Petite mise au point sur le mythe de l’écrivain plein aux as.
La télévision et les séries américaines nous renvoient systématiquement l’image du romancier à succès, qui vit dans un luxueux appartement de Manhattan, se déplace en voiture de sport et fait la fête jusqu’au bout de la nuit dans des soirées délirantes. La réalité est un peu plus complexe.
Des auteurs de romans privilégiés
En effet, certains auteurs gagnent pas mal d’argent. Je dirais environ… 0,01 % et parmi eux, la plupart écrivent en langue anglaise. Le plus grand nombre doit se résoudre à mener une vie monacale, économisant chaque sou ou bien à prendre un (vrai) job. Désolé de casser vos illusions d’entrée.
Pourquoi est-il si difficile de vivre de ses œuvres ? Eh bien, si ma mémoire est fidèle, les éditeurs français reçoivent, chaque année, près d’un demi-million de manuscrits. La plupart (80 % d’après moi) ne sont même pas lus au-delà de la page 1, car illisibles. Je peux en attester, puisque mon éditeur m’a fait lire quelques perles parvenues jusqu’à lui et ça pique les yeux.
Le manuscrit qui a passé l’épreuve de la page 1, c’est-à-dire qui contient moins de cinq fautes par ligne, doit ensuite réussir l’épreuve de la page 50. L’histoire doit tenir en haleine le comité de lecture jusque-là. Bien entendu, cette partie est subjective, j’y reviendrai plus loin.
Le dernier mot revient à l’éditeur
Lorsque le lecteur a rendu son avis, c’est à l’éditeur de prendre la décision finale (c’est quand même lui qui paye et il ne veut pas perdre son argent). Arriver à ce stade est déjà un exploit, mais… ce n’est pas fini. Il faut ensuite passer le test ultime, celui des « vrais » lecteurs. Bon, là encore il faut avouer que le test est subjectif et que le succès dépend aussi de la promo, des publications précédentes, du capital sympathie et de la capacité de l’auteur a se bouger pour faire connaître son livre. Car ne pensez pas qu’une fois en rayon la partie est gagnée. À moins de vous appeler King, Musso ou Chattam, l’attaché(e) de presse de la maison d’édition ne fera pas tout. Il ou elle a en charge la promotion de dizaines d’autres auteurs.
Mais honnêtement, si vous êtes déjà arrivé jusque-là, chapeau bas l’artiste, c’est que vous êtes probablement un bon auteur.
Un parcours difficile, mais gratifiant
Cela dit, ne commandez pas encore votre Lambo Huricane vert pomme, car, depuis Hemingway, les choses ont bien changé. À cette époque, les éditeurs misaient sur un nombre de titres réduit en espérant sortir un best-seller. Aujourd’hui, c’est un peu l’inverse, ils tablent plutôt sur un grand nombre d’ouvrages vendus en petites séries. Pour eux le résultat est sensiblement le même, mais bien sûr pas pour l’auteur.
Si quelqu’un peut le faire…
À présent, que je vous ai bien miné le moral, je vais nuancer mon propos. Comme le disait Jack London (je crois bien que c’était lui) et comme je le répétais à ma fille lorsqu’elle était enfant, sans savoir que Jack l’avait dit avant moi, « si un homme — ou une femme, évidemment — peut le faire, moi aussi je peux le faire ». Il n’y a pas de limites autres que celles que l’on s’impose.
Si vraiment vous avez l’écriture en vous, si ce n’est pas seulement une utopie de canapé, alors il faut y aller. Vous aurez besoin d’environ 10 % de talent, 90 % de travail et 1 % de chance pour réussir (oui, je sais ça fait 101 %, mais ça me fait rire).
Ajoutez à ces ingrédients beaucoup de persévérance pour renvoyer votre manuscrit à plusieurs reprises, jusqu’à tomber sur un lecteur qui l’appréciera à sa juste valeur (j’ai entendu dire que le scénario de Retour vers le futur a été refusé 80 fois).
Si vous réunissez toutes ces conditions, alors, peut-être, pourrez-vous enfin vivre exclusivement de votre plume.