S’il existe une épave qui a fait fantasmer tous les chasseurs de trésors sous-marins de la planète, c’est bien celle du San José, ce galion espagnol coulé en 1708 par les Anglais à la bataille de Baru, près de Carthagène en Colombie.
Et il y a de quoi !
Nous sommes au mois de juin, le sept exactement et la flotte espagnole est au mouillage, attendant les retardataires pour rejoindre la protection des navires de guerre chargés de l’escorter vers la mère patrie. Il y a là quatorze lourds vaisseaux, dont le navire amiral de la flotte, le San José, chargés d’un immense trésor : des lingots, des piastres, des bijoux, des étoffes précieuses et puis de l’or et encore de l’or. Les lignes de flottaison ne sont plus visibles tant les cales sont pleines. Des coffres sont entreposés dans les entreponts, des cabines ont été réquisitionnées pour y entasser plus de richesses. Le roi Philippe V jubile déjà dans son palais en pensant à cette fortune qui viendra bientôt renflouer les coffres de la couronne d’Espagne.
C’est dans cette dangereuse situation que les Espagnols voient arriver au loin une voile. Il s’agit de l’Expédition, commandé par le chef d’escadre Wager. La toile claque au vent, l’Union Jack flotte à se déchirer dans la bonne brise arrière et les sabords sont ouverts. Le temps se brouille pour Philippe et son magot mouillé de la sueur et du sang des Indiens. D’autant plus que d’autres voiles montent sur l’horizon, à la suite de l’Expédition. Trois bâtiments de guerre profilent leurs funestes silhouettes : le Kingston, le Portland et le Vulture, un petit navire de 8 canons.
Chez les Espagnols, c’est la panique à bord, car ils savent pertinemment qu’il leur sera bien difficile de se défendre avec leurs galions déjà si peu manœuvrables à vide. Se rendre ? C’eut peut-être été la solution, mais la capitaine Santillan qui commande le San José ne l’envisage même pas et de toute manière, Wager ne va rien leur proposer d’autre que de la fonte chauffée à blanc. Tous les canons anglais crachent le feu en même temps. Wager engage le San José durant près de trois heures. La fumée est si épaisse que l’on n’y voit pas à dix mètres. Soudain, une terrible déflagration retentit, des espars enflammés montent vers le ciel puis retombent en pluie de feu sur la mer qui bouillonne. Le San José, sans doute touché au niveau de la Sainte Barbe vient de voler en éclat avec tout son équipage et sa précieuse cargaison. Sur les six cents marins à bord, moins d’une vingtaine survivra. Avec une régularité de métronome, les canons anglais continuent leur chant infernal. Les Espagnols coulent les uns après les autres. Seuls trois navires sont encore manœuvrables, le Santa Cruz qui est finalement arraisonné avec toute sa cargaison, le San Joaquim, qui réussit à prendre la fuite et un dernier navire qui est drossé à la côte et incendié par son équipage. Si la bataille resta dans les mémoires et les livres d’Histoire, la localisation exacte du naufrage du San José se perdit en revanche dans les méandres du temps.
Ce 27 novembre 2015, la mer est un peu agitée et la visibilité est nulle à cette profondeur. Pourtant les puissants phares du ROV accrochent une forme tubulaire. Un canon, puis un autre et encore un autre. Sur le pont du navire de recherche colombien, quelque trois cents mètres plus haut, les scientifiques de l’Institut colombien d’Anthropologie et d’Histoire éclatent de joie. Voici des mois qu’ils étudiaient de vieilles cartes poussiéreuses, formulaient des hypothèses sur le déplacement des courants depuis trois cents ans, et ils avaient vu juste. Le San José est bien là. Ses structures sont encore visibles, protégées par l’absence de lumière et la très faible température qui règne dans les grands fonds… et sa cargaison aussi.
Si c’est bien l’épave du San José qui est là, une nouvelle bataille risque de s’engager, une bataille juridique. En effet le butin, plus de trois milliards d’euros a de quoi allécher plus d’un gouvernement. L’Espagne, propriétaire du navire et destinataire de la cargaison pourrait réclamer son dû, comme le Pérou d’où provenait l’or ou encore la Bolivie d’où était extrait l’argent sans oublier la Colombie bien sûr, puisque c’est sur son territoire qu’a été retrouvée l’épave. C’est d’ailleurs probablement cette dernière qui conservera le butin.