La lampe bouillotte

Jeu de la bouillotte
Jeu de la bouillotte dans un salon mondain

On ne voit qu’elle dans de nombreux films historiques et pourtant personne ne la remarque. Les cinéastes s’en servent pour donner une ambiance intimiste en la posant éclairée sur un bureau ou une table. Il s’agit de la lampe bouillotte.
Ceux qui, dans le temps, regardaient les nouvelles aventures de Vidocq, avec Claude Brasseur, l’ont forcément aperçue. D’autant plus qu’en étudiant attentivement les différents épisodes de la série, on se rend compte que la production possédait très peu de décors. Souvent, les mêmes accessoires étaient réutilisés dans différentes scènes, dont notre fameuse lampe bouillotte.

La lampe bouillotte, en vogue sous l’Ancien régime

Lampes en vente sur le site www.jeancel-luminaire.com (lien non sponsorisé)

La lampe bouillotte est un petit luminaire d’intérieur, très en vogue sous l’Ancien régime. Elle est constituée d’une tige verticale de 60 à 70 cm de long, sur laquelle est fixé un bougeoir portant de une à cinq bougies (on en trouve, dans les magasins de déco avec des ampoules électriques). Un abat-jour, en tôle peinte, coulisse le long de cet axe vertical, permettant de donner plus ou moins de lumière. Un rhéostat avant l’heure, en quelque sorte.

Du nom d’un jeu de cartes

À l’origine, cet éclairage était posé sur une table dite table bouillotte, d’où son nom. C’est sur ces tables, de 60 à 90 cm de diamètre, elles-mêmes objets de décoration très prisés, que l’on jouait à la Bouillotte. Il s’agissait d’un jeu de cartes qui pourrait s’apparenter au poker, très en vogue dans les salons huppés, à la fin du XVIIIe siècle.

Voilà, désormais, lorsque vous regarderez un film portant sur cette époque, je suis sûr que vous ne manquerez pas de remarquer cette fameuse lampe bouillotte.

Le grasset à huile

Grasset d'inspiration orientale

Afin de poursuivre dans la rubrique « Allumer le feu sous Napoléon », je voudrais vous présenter un objet qui revient régulièrement dans mes romans historiques : le grasset à huile.

Au début du chapitre 29 de La Malédiction égyptienne, vous trouverez le passage suivant : Dans des recoins, mal éclairés par les grassets à huile et les torches qui diffusaient leur lumière dansante…

Le grasset à huile, c’est quoi ?

Grasset à huile ouvragé.
Grasset à huile ouvragé (photo : picclick.fr)

Le grasset à huile était un éclairage peu coûteux, mais également peu efficace, utilisé dans de nombreux foyers et plus particulièrement dans les foyers les plus pauvres. Le principe était simple : un réservoir dans lequel on mettait de l’huile, un orifice par lequel on introduisait une mèche (en principe la moelle d’un jonc, ou plus tard, du coton tressé) et une coupelle pour récupérer l’excès d’huile non brûlée.

On suspendait le grasset près de la cheminée et dans toutes pièces où l’on voulait garder une veilleuse, car l’intensité de la lumière obtenue ne valait guère plus que cela. Le grasset permettait également de conserver une flamme à peu de frais pour allumer la cheminée où les chandelles, le soir venu.

Généralement en laiton, le grasset à huile, n’était rien de plus que le descendant des lampes à huiles en terre cuite, utilisées depuis la plus haute antiquité.

Lampe à huile antique (une copie)
Lampe à huile antique (copie)

Voila, désormais, lorsque vous lirez ce terme, au fil de mes pages, vous pourrez visualiser plus facilement la scène.

Allumer le feu sous Napoléon

Lorsque j’ai commencé à écrire mon premier roman policier historique : Le Regard du diable, je me suis trouvé confronté à un grand nombre de problèmes pour ancrer mes personnages dans un environnement crédible, car la vie que nous connaissons, au XXIe siècle, n’a plus grand-chose avoir avec celles de nos arrières-arrière-grands-parents.

La chandelle de suif ou de cire d'abeille fut longtemps l'un des seuls moyens de s'éclairer.

En effet, si aujourd’hui certains gestes nous semblent évidents : appuyer sur un interrupteur pour faire jaillir la lumière, gratter une allumette pour mettre le feu sous la casserole des pâtes ou tirer la chasse d’eau lorsque l’on va aux toilettes, comment faisait-on avant l’électricité et l’eau courante ?

Quand il ne sait pas, un auteur à plusieurs possibilités. Il peut inventer, rester très vague sur les détails ou faire des recherches sur ces sujets.

Comme j’étais déjà passionné par l’Histoire et plus particulièrement par celle du XIXe siècle (sinon je n’aurais pas écrit ce genre de romans), j’ai choisi cette dernière option.

Des objets et des pratiques disparus

En fouillant dans les livres et sur Internet, j’ai découvert des objets étranges, des anecdotes amusantes.

Je vous parlais de lumière, un peu plus haut, et bien justement, mon premier problème à résoudre se présenta lorsque mon personnage principal entra dans une pièce sombre et dut allumer une chandelle.
Comment s’y prendre, en sachant que les premières allumettes ne sont apparues que vers 1830/1840 ?

Allumage au vitriol

Certes, bien avant cela, des expériences avaient été réalisées pour créer des « allumettes auto-inflammables ». Il s’agissait, par exemple, de bâtonnets dont l’extrémité était enduite d’un mélange de Chlorate de potassium, de soufre et de quelques autres substances, qu’il fallait tremper dans l’acide sulfurique (vitriol) pour provoquer une ignition. Autant dire que le système n’eut pas un franc succès, car assez dangereux à mettre en œuvre.

Mais alors bon sang, comment faisaient-ils ?

Conserver la braise était l’une des méthodes les plus sûres pour avoir du feu

Eh bien il y avait deux méthodes principales pour faire naître le feu d’éclairage ou de chauffage. La plus évidente était de sauvegarder le feu. On gardait toujours dans l’âtre quelques braises que l’on entretenait religieusement. On pouvait aussi conserver une bougie allumée (chandelle de suif pour les pauvres ou de cire d’abeille pour les plus fortunés), mais cette dernière option était plus rare, car les bougies coûtaient cher.

Battre le briquet

Pour allumer le feu, on pouvait battre le briquet
Briquet en métal que l’on frappait contre un silex

Si par malheur on perdait le feu, si la chandelle était morte, comme dans la fameuse chanson, on devait aller chez l’ami Pierrot, plus consciencieux, pour lui emprunter sa « Lume » (je vais vous livrer une anecdote croustillante là-dessus à la fin de l’article).

Si toutes les tentatives pour rallumer la flamme avaient échoué, il ne restait plus qu’à battre le briquet. Les briquets de l’époque ressemblaient à un petit fer à cheval avec lequel on frappait un silex, tout près d’un morceau de coton carbonisé. Des étincelles jaillissaient du métal riche en carbone et produisaient une toute petite braise, sur le coton, qu’il fallait attiser en soufflant dessus. Ensuite, on enflammait un peu d’étoupe ou une sorte d’allumette constituée de copeaux de bois ou de papier roulé et l’on transférait la flamme vers la chandelle ou vers le petit bois de la cheminée.

Autour de ce rituel du feu, on trouvait de nombreux objets que je vous présenterai dans de prochains articles.

Je vous parlais, plus haut, d’une anecdote croustillante. Tous ceux qui ont des enfants leur ont, un jour ou l’autre, chanté la petite comptine : au clair de la lune. Tout d’abord, il faut savoir que, dans la version originale, celui qui frappe à la porte de l’ami Pierrot ne cherchait pas une plume, mais la Lume (terme qui désignait autrefois la lumière, voire la chandelle elle-même). Et aujourd’hui, à l’heure où la pudibonderie outrancière refait surface dans notre société, vous pourriez être poursuivis pour atteinte aux bonnes mœurs.
Eh oui, car la chanson a un double sens lubrique que je vous laisse imaginer : au clair de la lune… Prête-moi ta lume… ma chandelle est morte (eh oui, ça arrive aux meilleurs). Mais heureusement que chez la voisine, on bat le briquet (ce qui signifiait faire des galipettes).

Voici une vidéo sur Youtube qui explique comment battre le briquet.

https://youtu.be/NvbkcCV5wgw